Commentaires à propos du texte "Le Grain de Sable"
Ce texte fut rédigé en marchant, le long des plages le plus souvent, fin 2019
après le saccage de la dune de la Normandelière, les pensées révulsées mais
souvent illuminées par l'or du crépuscule, avec comme un symbole que certains
jugeront manichéen mais qui sur cette côte est une réalité, sur cet univers
dépouillé et unique du contact de la terre et de l'océan que sont les plages,
d'un côté le résultat de l'avidité des humains et de l'autre la beauté originelle
des éléments, logée en nous, partie à part entière de notre être et qui le
fait respirer autant que nos poumons.
Et quel miracle qu'une plage ! Comme une cellule souche inaltérée de la Genèse
biblique. Le seul espace de paix qui reste aux humains. On y vient déshabillé
avec pour seul logement une serviette ; pas de classes, de riches, de pauvres,
de droit d'entrée ou de passeport ; la vraie égalité " au-delà de nos oripeaux
" comme chante Nougaro, avec la liberté des corps et la libération des camisoles
sociales. L'espace où toutes les générations se rejoignent et le théâtre de
toutes les étapes de l'amour, flirt, couples, enfants et familles qui se retrouvent.
L'espace où l'on ne voit que des gens heureux et le graal de tout gouvernement
: le vivre ensemble. Sans discours, sans police, et si peu de lois.
Et bien entendu la patrie des enfants.
Sans temple ni prêtre, les plages sont par conséquent de fait un sanctuaire
que la nature offre aux humains.
Alors quand un territoire a la chance inestimable de disposer d'une plage,
l'évidence est de tout faire pour la préserver, la protéger, en particulier
des intentions mercantiles des élus, qui en l'occurrence sont des sacrilèges
au sens premier du terme: une violation du sacré.
Et les méfaits en la matière sont une coutume sur la côte vendéenne, qui égrène
depuis 50 ans son chapelet de destructions, les élus se passant invariablement
le relais du bulldozer, de la bétonneuse et de la souillure pour alimenter
les caisses de leurs communes en taxes d'habitation et autres sur le dos de
leurs victimes expiatoires préférées : les paysages et les habitants à l'année,
en ayant fait de leur territoire ce qu'il est actuellement : un cadavre de
béton avec plus de 50% des zones construites totalement fantomatiques quasiment
onze mois par an désormais, où il est impossible de se loger et où les indicateurs
de la situation sociale sont calamiteux.
Le filon des résidences secondaires étant épuisé, on s'attaque désormais avec
la même logique fiscale à l'espace maritime avec des projets de ports de plaisance,
dont la nocivité pour l'environnement a fait depuis longtemps ses preuves
à St Gilles Croix de Vie à 10 km de Brétignolles, cité dont la malheureuse
et autrefois majestueuse grande plage, déjà à l'agonie à cause d'abominations
en béton plantées là il y a quarante ans et qui bloquent l'évolution
naturelle du rivage, est souillée de novembre à avril par des centaines de
tonnes quotidiennes de boues et de cailloux issues du dragage du port de plaisance
adjacent, géré par les mêmes instances qui ont ravagé la dune...
Dans un département qui revendique son identité " catho " avec un logo surmonté
d'une croix - le dogme de la laïcité a ses passe-droits - et où les élus départementaux
et de la CC de St Gilles sont prompts à se parer des vertus des saints, les
faits ont prouvé qu'on avait plus souvent affaire à des anges noirs inféodés
aux conseils d'administration des lobbies du nautisme et de l'immobilier et
au Conseil général qui malgré ses discours plus verts que verts, soutient
depuis le début ce projet de port, et a toujours soutenu ou fermé les yeux
sur le saccage de la côté, encourageant hier et aujourd'hui le tourisme de
masse sans jamais se soucier des conséquences sociales et environnementales
désastreuses d'une telle politique, avec bien entendu en arrière plan un moyen
efficace de remplir les gradins du Puy du Fou - dont les dirigeants furent
également ceux du département pendant plusieurs décennies- parc situé
dans une zone éloignée des côtes qui échappe à toutes les nuisances de cette
politique et engrange son butin.
Le texte se termine par deux emprunts littéraires à deux écrivains et penseurs
dont la Nature est au cœur de l'oeuvre ou de la démarche.
La premier emprunt est à V.Hugo - dont beaucoup des grands textes ont été
écrits à l'encre de l'océan - est tiré du célèbre poème " La Conscience ",
où l'Oeil de la conscience poursuit Caïn jusqu'à la tombe après son crime,
afin de rappeler aux élus ce qui les attend après leur forfait. Et même s'il
semble que la lumière de la conscience soit bien ténue au-delà de leurs intérêts
financiers, il y aura désormais à l'heure de la mémoire ineffaçable d'internet
toujours les milliers de paires d'yeux de la conscience collective pour leur
rappeler leur crime, à eux et aux entreprises du BTP et à leurs employés qui
participeraient au massacre. Que ces derniers qui sont otages de la situation
fassent valoir leur droit à la liberté de conscience et refusent la mise à
mort des paysages qu'on leur demande d'éxecuter.
Le deuxième emprunt est à Diogène, philosophe grec de l'Antiquité qui prônait
une vie simple et proche de la Nature et vivait dans la rue à Athènes. A Alexandre
le Grand - despote et symbole du pouvoir politique et militaire qui pensait
sans doute aussi pouvoir gouverner le bonheur des Hommes - qui lui demandait
ce qu'il pouvait faire pour lui, il eut cette réplique passée
à la postérité "Ote-toi de mon soleil ", réplique dont
l'écho moderne s'entend dans le " dégage " des foules aux dirigeants qui ont
outrepassé le pouvoir qui leur a été remis.
La Nature ne se porte jamais mieux que quand les Hommes lui foutent la paix.
Laissons le Sable tranquillement au soleil. C'est pour notre plus grand bien.